This trace where salt was
Cette Trace où fut le sel
Residency
(2023)




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Les Mornes, Le Feu : une esthétique magico-urbaine de la jeunesse caribéenne

Entre culture urbaine, ésotérisme et quête de soi, Les Mornes, Le Feu explore la culture urbaine caribéenne comme une forme contemporaine de marronnage — une stratégie d’évasion, de résistance et de réinvention identitaire. En s’inspirant des réflexions d’Olivier Marboeuf sur les moyens de “s’enfuir de la plantation”, le projet propose une plongée sensible et critique dans les pratiques, les gestes et les imaginaires d’une jeunesse franco-caribéenne en pleine transformation. Il s’agit d’une exploration visuelle et spirituelle de la manière dont cette génération réécrit sa présence au monde, au sein d’espaces urbains où les mémoires coloniales, les mythes ancestraux et la modernité globale s’enchevêtrent.

Les Mornes, le Feu s’intéresse à la relation entre la jeunesse franco- caribéenne et son paysage — non seulement comme environnement tangible, mais aussi comme territoire symbolique et spirituel. Ce paysage, Édouard Glissant l’appelait “notre seul monument” : un espace vivant, façonné par la mémoire, l’histoire coloniale, les récits mythiques et les pratiques culturelles diasporiques. Dans la ville postcoloniale caribéenne où les pratiques culturelles issues de la vie plantationnaire persistent tout en étant transformées ou contestées par les flux mondiaux de culture, de technologie et de capital, les jeunes s’approprient des espaces marginaux, les détournent et les investissent comme scènes d’expression. À Fort-de-France, sur le parking du stade Aliker, des jeunes hommes se livrent à la pratique du cabrage,
ou rodéo : figures acrobatiques à moto qui deviennent autant de rituels d’affirmation, d’appartenance et de solidarité. Le parking se transforme en sanctuaire provisoire, un terrain d’évasion où les corps, les regards, les silences et les cris dessinent une poétique nouvelle — celle d’une masculinité noire caribéenne à la fois tendre, fière et vulnérable. La série propose ainsi des représentations alternatives de la caribéanité, mais aussi des portraits complexes et sensibles de la masculinité noire. Loin des clichés de virilité imposée ou de marginalité violente, les jeunes photographiés ici dégagent une puissance contenue, parfois fragile, souvent émotive. Ils apparaissent comme des figures d’attention, de soin ou de défi, négociant sans cesse leur place dans un monde qui ne leur offre que peu d’espaces pour se projeter.

À travers ce prisme, Cédrine Scheidig travaille à l’élaboration d’une esthétique magico-urbaine — un langage visuel et poétique né de la collision entre héritages mystiques, mémoire post- coloniale et cultures urbaines mondialisées. En plaçant au centre la perspective d’une génération en quête de récits renouvelés et de nouveaux modes d’appartenance, Cédrine Scheidig explore
la manière dont les jeunes se rapportent aux strates visibles
et invisibles du monde qu’ils habitent. Les détails de corps et d’objets deviennent des artefacts à haute charge symbolique. L’environnement — qu’il soit bétonné ou végétal, abandonné
ou débordant — se fait à la fois décor et protagoniste. Dans ce monde habité de signes et d’échos, la jeunesse compose des identités mouvantes, parfois douloureuses, toujours inventives.

Photographies réalisées dans le cadre du programme de résidences Fotokontré.

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